Par Cathy Ceïbe
Mardi, 12 Mai, 2015
Humanite.fr
afp
Lors de sa visite où il a posé les jalons d'une
coopération économique avec la Havane, le président français s'est entretenu
avec l'ancien leader cubain.
La Havane (Cuba), envoyée
spéciale.
Sans mauvais jeu de mots, on peut
affirmer que la visite officielle de François Hollande à Cuba s’est soldée par
un compte positif. Lundi soir, le président français s’est entretenu avec son
homologue cubain, Raul Castro, deux heures durant au Palais de la Révolution, à
La Havane, au terme d’une journée qui signe une nouvelle ère dans les relations
franco-cubaines. Au menu de leur rencontre : les nouveaux partenariats
entre la France et Cuba, le processus de normalisation des rapports entre la
Grande île et les Etats-Unis, la participation du chef de l’Etat cubain au
sommet Union européenne-Amérique latine qui se tiendra à Bruxelles en juin, la
levée du blocus que « la France a toujours soutenue », selon
l’expression de prédilection de François Hollande bien que ce choix ne date que
des années 90 ou encore les droits de l’homme après sa rencontre avec le
cardinal Ortega y Alamino, médiateur dans la libération de détenus politiques.
Un peu plus tôt, l’hymne de la
Marseillaise a résonné sur la célèbre place de la Révolution où les deux
chefs d’Etat se sont présentés devant le monument à la gloire de José Marti, le
héros de l’indépendance de Cuba. Mais le point d’orgue de ce déplacement
officiel, le premier d’un président français, restera la rencontre de François
Hollande avec Fidel Castro qui l’a reçu chez lui, entouré de sa famille. « Je
voulais avoir ce moment d’histoire, cette histoire du monde. C’est un monsieur
qui a fait l’histoire. Je sais ce qu’il a pu représenter pour les peuples y compris
la France », a déclaré, par la suite, François Hollande devant les
ressortissants français lors d’une réception à la résidence de France. Près
d’une heure durant, les deux hommes ont essentiellement échangé sur les enjeux
climatiques et environnementaux alors que Paris organise en décembre prochain
la conférence mondiale sur le climat (COP 21). « Nous avons longuement
parlé de l’alimentation, de l’accès à l’eau et des risques pour la planète. Il
est très au fait sur toutes ces questions. Il a dit l’attente et l’attention
qu’il portait à l’égard du rôle de la France » dans la perspective de
la COP 21, a-t-ajouté, en précisant qu’il avait été « vraiment surpris
au meilleur sens du terme » des connaissances du leader de la
révolution en la matière.
Présent lors de cette rencontre,
l’ancien président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a confirmé le caractère
« direct » de leurs échanges. « Des échanges entre deux
hommes forcément différents compte tenu de la personnalité de Fidel Castro.
Mais les sujets qu’ils ont abordés sont convergents. Cela fait longtemps que le
président Fidel Castro réfléchit aux sujets climatiques. Il regarde les choses
avec distance mais avec lucidité. La façon dont il manie la dialectique est
toujours aussi étonnante », a souligné cet artisan de la visite
d’Hollande et de la rencontre autant souhaitée qu’inattendue pour nombre de
personnalités présentes dans la délégation française. Même tonalité de
satisfaction pour André Chassaigne, président du groupe d’amitié entre la
France et Cuba à l’Assemblée nationale. « Nous attendions cette
rencontre car elle a une dimension extrêmement symbolique. Le fait de voir le
président de la république rencontrer ce dernier grand personnage du 21ème
siècle est très important pour deux raisons. D’abord parce que Fidel Castro est
l’un des tous premiers hommes politiques à avoir placé au premier plan les
questions environnementales. Ensuite, parce que cette journée a été marquée par
des engagements forts».
Sur le plan commercial, le
forum économique, où était présents une trentaine de chefs d’entreprises
français, s’est conclu par de nouveaux partenariats, notamment dans les
domaines de la santé avec à la clé, la signature de conventions avec l’Institut
Pasteur, de l’agroalimentaire, des énergies renouvelables, ou encore dans le
champs académique. Lors de son allocution, François Hollande a évoqué
l’épineuse question de la dette qui n’était pourtant pas prévue dans l’agenda,
allant même jusqu’à parler d’un échelonnement, voire d’une éventuelle
suppression partielle des cinq milliards de dollars ( sur un total de 15
milliards) réclamés à La Havane. « Cette dette est constituée à plus
80% d’intérêts donc Cuba n’a pas à les rembourser », estime André
Chassaigne. Pour le député communiste, il est important de fixer comme axe
prioritaire « l’accompagnement bancaire et financier ».
« Peut-on tolérer qu’aucune banque ne soit en mesure d’intervenir
aujourd’hui à Cuba ? Ou encore que les entreprises françaises, qui
investissent à Cuba, soient obligés de s’adresser à une banque canadienne ou
espagnole ? La BPI, la banque à caractère public de la France, ne veut
pas, pour l’instant être partie prenante des investissements à Cuba »,
critique-t-il, tout en plaidant pour que la France concrétise les annonces de
cette visite que François Hollande n’a cessé de qualifier d’
« historique ».
Faut-il y voir un lien de cause à
effet ? Barack Obama pourrait lui aussi faire le déplacement sur la Grande
île en Cuba en 2016, a annoncé hier le porte-parole de la Maison blanche.
« Cuba est (décidemment) à la mode », pour reprendre
l’expression du célèbre écrivain cubain, Leonardo Padura.