martes, 12 de enero de 2016

Cuba-USA, un an après: "Des avancées, mais..."



 Par  Sébastien Madau
 
                 Raul Castro et Barack Obama lors du dernier sommets des Amériques. PHOTO AFP

Le 17 décembre 2014, les présidents cubain et américain Raul Castro et Barack Obama annonçaient leur désir commun d'un rapprochement entre les deux pays. Washington admettait l'échec de sa politique agressive envers l'île, et notamment la persistance du blocus qui frappe Cuba depuis plus de 50 ans. Un an après, quelles sont les avancées et les points de divergence majeurs ? Entretien avec Leyde Rodriguez Hernandez, professeur en Relations Internationales à l'Institut supérieur de Relations internationales à La Havane.

- Les annonces conjointes de Raul Castro et Barack Obama du 17 décembre 2014 ont surpris beaucoup de monde. Y compris les Cubains ?

Il n’y a pas de quoi être surpris. D’un point de vue théorique, la politique extérieure des États évolue dans un climat plus confidentiel que leur politique intérieure, pour des questions de sécurité nationale. En revanche, en ce qui concerne la politique extérieure de la Révolution cubaine, elle est directement liée à sa politique intérieure, des intérêts de son peuple et de la Nation. La diplomatie cubaine était absorbée par la lutte pour la libération des Cinq Cubains injustement emprisonnés aux États-Unis et cette bataille a reçu l’appui populaire de la même manière que la lutte contre le blocus ou pour la restitution du territoire occupé de Guantánamo où se situe une base militaire des États-Unis et une prison de la honte où l’on torture, on viole les plus élémentaires des droits des prisonniers.

Ce qui est certain c’est que ce 17 décembre a créé une joie immense à Cuba et dans le monde car les Etats-Unis n’avaient pas réussi, pendant près de 50 ans, à mettre en déroute la Révolution cubaine à travers sa politique d'hostilité. Depuis 1959, le gouvernement cubain avait toujours eu la volonté politique de nouer des relations de respect mutuels avec les États-Unis, mais les administrations américaines successives ont voté des lois et pris une voie agressive contre Cuba à travers des actes d’agression militaire et de terrorisme, causant de graves dégâts humains et matériels sur l’île. Mais comme a dit Fidel Castro en 1959, dans le contexte actuel de relations Etats-Unis-Cuba, « qui sait, à l’avenir tout sera peut-être plus difficile ».

- Après une année de dialogue renoué, dans quels domaines enregistre-t-on les progrès les plus significatifs ?

La dynamique bilatérale présente des avancées discrètes, le temps que les deux parties identifient les aspects qui demeurent en suspens. Mais il y a aussi eu ces derniers mois des avancées comme par exemple le fait que dès janvier 2015, Cuba a accueilli de nombreux congressistes, d’hommes d’affaires et de représentants d’organismes gouvernementaux nord-américains. Ensuite, le 29 mai, les Etats-Unis ont annoncé officiellement le retrait de Cuba de la liste des pays qui, selon le département américain, soutiennent le terrorisme, une liste dans laquelle Cuba n’aurait jamais dû figurer.

Diverses réunions ont ensuite eu lieu à Washington et La Havane et le 20 juillet a vu le rétablissement officiel des relations diplomatiques avec l’ouverture d’ambassades.

L’installation d'une commission bilatérale pour évaluer l'avancée du processus vers la normalisation a été un autre succès important. Cette instance s'est réunie en septembre à La Havane et en novembre à Washington.

Parmi les autres faits marquants : l’émission de régularisation de la part du département du trésor américain et du commerce. Dans les deux cas, même si les mesures flexibilisaient des aspects ponctuels du blocus, il restait en deçà de ce que la loi permet à Obama de faire sans passer par le Congrès.

Début décembre, Cuba et les États-Unis ont également décidé de relancer le transfert du courrier postal direct, alors qu’il se réalisait jusque-là à travers un pays tiers.

Malgré des problèmes encore à résoudre, le solde est positif dans ce processus de normalisation. C’est un mécanisme très difficile à faire revenir en arrière même si les gouvernements reconnaissent que persisteront pendant des années de profondes différences d’approche. Ce qui n’empêchera pas les deux nations de vivre en paix, sur la base du respect mutuel.

- Les États-Unis en ont donc fini avec leur volonté de pousser au changement de système politique à Cuba ?

Attention ! Le président Obama avait été clair le 17 décembre 2014 en affirmant que le changement de nature des relations avec Cuba ne signifiait pas l’abandon de l’objectif de Washington de renverser l’ordre économique, social et politique de l’île, mais qu’il s’agissait, avec le même objectif, de le faire par d’autres moyens. Il a rappelé son désir de visiter l’île l’année prochaine, tout en mettant quelques conditions –influencé par un intérêt électoral et par sa volonté d’être bien perçu par l’ultra droite américaine- comme celle de rencontrer ce que l’on appelle des « dissidents ou des groupes qui depuis des années reçoivent des financements des États-Unis.

- Quels sont aujourd'hui les thèmes de divergences majeurs ?

Le principal écueil pour normaliser les relations entre La Havane et Washington c’est le blocus économique, commercial et financier imposé à l’île par les États-Unis depuis plus de cinq décennies. Les préjudices, condamnés depuis plus de 20 ans par l’Assemblée générale de l’ONU, ont été estimés à 800 milliards de dollars. Le congrès américain est le seul qui puisse voter sa levée et, parmi ses composantes, il existe une volonté dans les deux partis, et majoritaire de le faire. En plus des 60% de l’opinion publique. Toutefois, des experts ont relevé que le leadership républicain n’est pas disposé à prioriser le thème des sanctions contre Cuba bien que de nombreux membres de ce parti demandent sa levée.

Actuellement, une des majeures affectations produites par le blocus se situe au niveau financier, du fait de l’interdiction pour Cuba d’utiliser le dollar dans les transactions internationales. D'ailleurs, depuis un an, le département du trésor américain a infligé 5 amendes, pour un montant de près de 3 milliards, contre des entités bancaires et des entreprises étrangères qui avaient réalisé des affaires avec Cuba.

La controverse autour des compensations est aussi en voie de résolution après une réunion à La Havane début décembre pour identifier les positions de chacune des parties. Alors que Washington demande une indemnisation pour la nationalisation des compagnies américaines après le triomphe de la Révolution de 1959, la partie cubaine demande, elle, des indemnisations pour les énormes dégâts matériels et humains causés par les administrations américaines successives.

Pour le gouvernement cubain, l’autre sujet vital est la nécessité que le congrès américain abroge ladite Loi d’Ajustement cubain qui, depuis 1966, offre des privilèges uniques aux citoyens cubains qui arrivent aux États-Unis, ce qui stimule l’émigration illégale depuis l’île, par n’importe quelle voie. La Havane sollicite également les États-Unis pour qu’ils éliminent la politique dite « pied sec pieds mouillés » qui établit l’accueil aux Cubains qui touchent le sol nord-américain et le rapatriement vers l’île de ceux qui sont interceptés dans la mer avant d’avoir atteint les États-Unis. Pour le moment, les autorités américaines ont répété qu’il n’était pas prévu d’agir sur cet sujet.

La chancellerie cubaine exige également de Washington, la restitution du territoire occupé illégalement de la base navale de Guantánamo tristement célèbre dans le monde pour sa prison ouverte en janvier 2002 par le président George W.Bush. La fin des transmissions illégales de radio et télévision vers l’île et de programmes prônant le changement de régime font aussi partie des exigences cubaines.


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