Par
Sébastien
Madau
Dimanche
21 octobre 2012
La nouvelle est tombée mardi : au travers
d’une réforme de la loi migratoire de 1976, les Cubains n’auront plus besoin de
permis de sortie pour se rendre à l’étranger. Un passeport suffira. Exit aussi
la lettre d’invitation que devait payer l’invitant. La réforme entrera en vigueur
le 14 janvier 2013 et s’inscrit dans le cadre des mesures impulsées par le
président Raul Castro depuis son élection en 2008.
Le sujet était régulièrement abordé dans les instances. Les
attentes étaient fortes. Au début de la Révolution, Cuba a développé du
capital humain et réglementé les flux migratoires afin de limiter la fuite des
cerveaux, dans la santé, l’éducation ou la recherche. En 1960, l’île avait
perdu trois de ses six millions de médecins. La première phase de départs
(années 60) était de nature politique. Dès les années 70, mais surtout depuis
les années 90, l’immigration est presqu’entièrement économique. Il n’est pas
exclu que certaines professions soient concernées par des mesures
particulières.
Le choix donné aux
Cubains
Dans son éditorial de mardi intitulé « Par la volonté commune
de la Nation cubaine », Granma, quotidien du Parti communiste, lie la
nouvelle aux relations avec les Etats-Unis. « La politique migratoire de
Cuba (...) s'est basée sur la reconnaissance du droit des citoyens à voyager, à
émigrer ou résider à l'étranger et à la volonté de favoriser les relations
entre la Nation et son émigration. En
même temps, nous avons légitimement le droit de nous défendre face à
l'agressivité de Washington » lit-on.
L’éditorialiste estime que « les dispositions pour réguler les flux
migratoires du pays, ont été adoptés dans des circonstances imposées par les
agressions qui dans ce domaine ont été appliquées par les différentes
administrations nord-américaines ». La nouvelle a beaucoup fait parler sur
l’île et a provoqué des réactions de l’étranger, notamment des Etats-Unis. « Nous
saluons évidemment toute réforme qui permet aux Cubains de quitter leur pays et
d'y revenir librement », a déclaré la porte-parole du département d'Etat américain
Victoria Nuland. Il sera intéressant de voir si les Cubains solliciteront la
Section des Intérêts Nord-américains à La Havane, qui joue le rôle d’ambassade.
Les Américains ayant jusque-là préféré inciter en sous-main l’immigration
clandestine.
Toutefois, plusieurs questions restent en suspens: quelle utilisation
les Cubains vont faire de ce nouvel acquis de la Révolution? Doit-on
s’attendre à un exode massif? En effet, souvent pour des motifs idéologiques,
Cuba a été montré du doigt pour sa politique migratoire. On y dénonçait les
barrières bureaucratiques. En revanche, rarement le thème de la gestion de flux
migratoires massifs en provenance de Cuba n’a été abordé. Sans oublier que la
réforme cubaine n’enlève pas l’obligation d’obtenir un visa du pays étranger
qui aura le dernier mot.
En fait, l’originalité vient de la volonté de l’Etat de l’inscrire
dans le cadre de l’actualisation du socialisme cubain lancée en 2008. Depuis 20
ans, la chute de l’URSS et la crise mondiale n’avait pas permis à Cuba de déboucher
vers de nouveaux acquis majeurs comme ce fut le cas au début de la Révolution
(santé, éducation, sciences, culture). La politique menée avait surtout privilégié
le maintien, avec succès, de ces acquis.
Aujourd’hui , Cuba fait le pari de considérer ces Cubains
d’ailleurs comme des acteurs potentiels du développement de l’île, et de
laisser à chacun le choix d’y contribuer.
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